A) Théorie psychologique
1) La suggestion
La théorie de la suggestion a été étudiée la première fois par Hippolyte Bernheim, médecin mulhousien, en 1910. Elle a été reprise ultérieurement par le psychologue Pierre Janet.
La suggestion est l’acte par lequel une idée est introduite dans le cerveau d’autrui et acceptée par lui. Amener une personne en état d’hypnose est l’une des nombreuses choses qui peuvent être faites par suggestion, bien que le cerveau se retrouve dans un état distinct lorsque la personne atteint effectivement cet état d’hypnose.
Dans le cas de l’effet placebo, c’est le médecin qui suggère au patient l’idée qu’un traitement va améliorer son état. Cette suggestion provoque alors en quelque sorte le rétrécissement du champ de conscience du patient autour de la chose suggérée, c’est-à -dire l’idée que tel médicament va lui faire du bien. Cette pensée consciente induit alors de réels changements physiologiques dont les mécanismes sont encore mal connus.
Cette théorie se rapproche de la méthode Coué qui consiste à répéter une phrase positive jusqu’à ce que l’on ne puisse plus distinguer la part de réel et la part d’invention. Ainsi, répéter « je vais guérir » provoque une diminution du stress et un gain de confiance en soi !
Le médecin implante une idée dans le cerveau de son patient.
C’est la suggestion.
2) Le conditionnement pavlovien
Le conditionnement est un autre phénomène, inconscient celui-là, derrière l’effet placebo. Son fonctionnement a été bien décrit par Ivan Pavlov dès le début du XXe siècle avec sa célèbre expérience :
Pavlov s’intéresse aux processus digestifs ; il entreprend en 1898 ses expériences sur les chiens. Il opère un chien naïf (élevé dans le calme) et le dote d’une fistule salivaire pour noter de façon précise le moment où la salive commencera d’être secrétée. Il isole ensuite le chien dans une tour de silence, pièce aux afférences sensorielles réduites, isolée des bruits, aux murs nus et gris, sans fenêtre, à lumière tamisée, et diète totale (odorat et goût exclus). Le lendemain, quand l’animal pénètre dans le laboratoire, retentit un coup de sifflet (ou un tintement de clochette ou toute autre stimulation sensorielle nouvelle pour l’animal). Le garçon de laboratoire apporte alors une écuelle pleine de viande succulente. Pavlov, grâce à la fistule, note le moment où la salive est sécrétée. On répète l’expérience plusieurs fois et on note que l’animal finit par sécréter la salive dès le signal, avant qu’on ait apporté la viande. Pavlov parle de réflexe conditionnel (on dit aussi conditionné). Le réflexe, c’est la sécrétion du suc digestif, le conditionnement, le signal sensoriel. L’animal associe deux événements, l’un neutre, l’autre biologiquement signifiant, qui sont sans rapport de causalité entre eux.
En résumé, une réponse inconditionnelle (la nourriture qui fait saliver le chien, ou la pilule d’analgésique qui soulage la douleur), suite à un apprentissage, crée une association permanente, de sorte qu’un stimulus neutre peut ensuite produire une réponse conditionnée (un son de cloche associé aux repas qui fait saliver le chien, ou une pilule de sucre qui soulage la douleur).
Et ce conditionnement pourrait être très profond puisque tout Occidental, quand il est malade, a appris qu’il faut aller chez le médecin et que celui-ci va nous administrer un médicament qui va éventuellement nous guérir. La séquence « douleur, docteur, comprimé, guérison » est donc très bien ancrée dans notre esprit. La simple démarche de prendre un rendez-vous chez le médecin pourrait donc déjà mettre en marche l’effet placebo, par conditionnement.
L’importance du conditionnement comme source des attentes à l’origine de l’effet placebo a été mise en évidence par une expérience originale de Fabrizio Benedetti et ses collègues. Ils ont d’abord administré de la morphine à deux reprises à des athlètes durant leur entraînement. Puis, le jour de la compétition, les athlètes ont reçu une injection similaire mais contenant seulement une solution physiologique, sans la morphine. Malgré cela, les chercheurs ont tout de même observé une activation du système endorphinique des athlètes qui leur a permis d’augmenter leurs performances et de mieux endurer la douleur.
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Loin de s’opposer, suggestion et conditionnement auront donc des effets additifs difficiles à dissocier et qui se renforcent mutuellement pour redonner confiance au patient. Cette confiance contribuera aussi à diminuer l’anxiété et le stress du patient, et donc aussi les effets physiologiques néfastes bien connus qui leur sont associés.
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