B) Les aspects éthiques
L’efficacité de l’effet placebo n’est certes, plus a démontrer, mais de nombreuses commissions d’éthiques se sont levées pour protester contre l’utilisation de placebo, mettant en avant le fait que ce principe ne reposait que sur la tromperie et est donc l’objet de nombreuses controverses.
Aujourd’hui, les commissions d’éthiques ont précisé quatre normes, et toute norme qui ambitionne d’être morale devra respecter ces quatre principes :
- L’autonomie : l’individu a le droit d’accepter ou de refuser un traitement.
- La bienfaisance : le respect des idéaux de vie.
- La non malfaisance : ne pas blesser.
- La justice : distribuer équitablement les charges et les bénéfices.
¤Les principaux codes éthiques
Les comités d’éthique se rassemblent pour promulguer des principes. L’un des derniers rassemblements a abouti à la Déclaration d’Helsinki-Tokyo, en 1975 qui spécifie en particulier des principes appliqués à la recherche clinique. De plus, dans chaque pays, des lois sont promulguées en fonction des déclarations et des discussions des comités d’éthique nationaux. En France, la loi en vigueur est la loi Huriet-Sérusclat, du 20 décembre 1988. Elle institue les CCPPRB, soit les Comités de Protection des Personnes se Prêtant au Recherches Biomédicales.Voici un extrait de la Déclaration d’Helsinki II qui pose les bases de l’éthique pour le placebo.
Titre II de la Déclaration d’Helsinki-Tokyo, ou Helsinki II (1975) : recherche médicale associée avec des soins médicaux.
1. Lors du traitement d’un malade, le médecin doit être libre de recourir à une nouvelle méthode diagnostique ou thérapeutique, s’il (elle) juge que celle-ci offre un espoir de sauver la vie, de rétablir la santé ou de soulager les souffrances du malade.
2. Le médecin devra peser les avantages, les risques et inconvénients potentiels d’une nouvelle méthode par rapport aux meilleures méthodes diagnostiques et thérapeutiques en usage.
3. Lors de toute étude clinique – avec ou sans groupe témoin – le malade devra bénéficier des meilleurs moyens diagnostiques et thérapeutiques disponibles.
4. Le refus du patient de participer à une étude ne devra en aucun cas porter atteinte aux relations existant entre le médecin et ce patient.
5. Si le médecin estime qu’il est essentiel de ne pas demander le consentement éclairé du sujet, les raisons spécifiques de cette proposition devra être contenues dans le protocole de l’expérimentation envisagée transmis préalablement à un comité indépendant.
6. Le médecin ne peut associer la recherche biomédicale avec des soins médicaux en vue de l’acquisition de connaissances médicales nouvelles, uniquement dans la mesure où cette recherche biomédicale est justifiée par une utilité diagnostique ou thérapeutique potentielle pour le patient.
¤Application de ces principes pour des soins en clinique humaine
Le médecin a pour devoir de guérir le malade ou au moins de soulager sa douleur. Par extension un médecin ne peut prescrire une substance inerte lorsqu’un traitement efficace existe déjà. D’après l’article de la déclaration de Helsinki qui est une déclaration de principes éthiques dont l’objectif est de fournir des recommandations aux médecins et autres participants à la recherche médicale sur des êtres humains, « Les avantages, les risques et les contraintes d’une nouvelle méthode doivent être évalués par comparaison avec les meilleures méthodes diagnostiques et thérapeutiques en usage ». On peut comprendre qu’il faut donc examiner soigneusement le patient avant d’envisager d’y recourir, ce qui n’est rarement le cas.
Parfois, le médecin juge qu’il est bon pour le malade (souvent pour calmer ses inquiétudes) de prescrire un placebo, il ment donc à son patient. Pour qu’il y ait une véritable efficacité à ce placebo il faut que le malade soit convaincu qu’il contient un principe actif. Or, beaucoup d’éthiciens considèrent que cette tromperie est injustifiable puisqu’elle enfreint le principe d’autonomie selon lequel l’individu a le droit de choisir son traitement.
Certains médecins pensent que rien ne justifie de mentir au patient. Pour eux, utiliser un placebo à l’insu du patient peut détruire sa confiance et compromettre la relation médecin-patient. Ils évoquent aussi le danger d’administrer un placebo par exemple à une personne dépressive qui pourrait peut-être se suicider si elle ne reçoit pas de traitement efficace. Bref selon cette position, qui est souvent celle des organismes qui encadrent la recherche médicale, une étude où certains patients ne reçoivent qu’un placebo n’est acceptable que s’il s’agit d’une maladie bénigne, dont on veut réduire la durée ou les symptômes d’une maladie grave contre laquelle aucun traitement efficace n’est encore connu.
A l’opposé, certains cliniciens pensent qu’on peut légitimer l’usage du placebo en invoquant le principe de bienfaisance. L’intention du médecin est louable puisqu’il essaie d’aider le malade. Le principe de bienfaisance l’emporterait le plus souvent sur le principe d’autonomie. Toutefois, ils considèrent qu’il faut répondre honnêtement aux personnes qui désirent connaître la nature du produit et donc arrêter son administration si l’on ne constate aucune amélioration. Cependant ce subterfuge ne résout en rien le problème du placebo. Certains médecins, tel que Peck et Coleman affirment qu’on peut, dans certains cas de douleurs, profiter du phénomène de conditionnement en prescrivant d’abord des drogues analgésiques qu’on fait ensuite alterner avec un placebo. On peut donc conclure que chaque cas doit être évalué séparément en veillant toujours au confort et à la qualité de vie du sujet.
De plus, le placebo est un sujet très débattu car, dans certains cas, il peut entraîner des addictions au médicament. Même si ces derniers ne sont souvent que des gélules de lactose, ils activent le circuit de la récompense et entraînent une forte dépendance.
¤Éthiques pour l’utilisation de placebo dans les essais cliniques
Les essais cliniques sont effectués par des essais randomisés contrôlés à double aveugle. C’est la meilleure méthode pour évaluer une innovation thérapeutique. Les essais comportent une méthodologie bien particulière, qui a était traité précédemment, elle garantit la rigueur scientifique qui est indispensable pour assurer le caractère éthique de la recherche.
« Méprise thérapeutique » est le nom donné par les éthiciens à l’idée fausse que se font les gens à l’effet que le traitement offert est toujours thérapeutique. Par exemple, dans le cas d’une personne qui apprend qu’elle est atteinte de la maladie de Parkinson et à qui le médecin dit : « Voici les traitements disponibles. Ils peuvent tous provoquer certains problèmes ou effets secondaires. Cependant, une nouvelle étude est en cours ». Le patient peut penser qu’il aura nécessairement accès à une thérapie à l’étude, mais s’il regarde de plus près, il s’apercevra peut-être que l’étude vise à comparer un nouveau médicament à un placebo, qui est essentiellement composé de substances inertes.
Certains protestent aussi lorsque l’on prive un malade d’une substance active qui serait peut-être le futur remède à leur pathologie. Un fait réel illustre ce propos lors de recherche sur le sida au début des années 90 au cours de l’essai de la zidovudine, médicament prophylactique périnatal. On savait déjà que la zidovudine était efficace pour réduire la transmission du virus de la mère au fœtus ou au nouveau-né. Des essais randomisés avec placebo ont été menées dans plusieurs pays en développement. Des activistes ont soutenu qu’un essai avec placebo équivalait à une violation des principes éthiques fondamentaux, car les personnes sous placebo sont privées d’un traitement qui avait déjà fait ses preuves ailleurs. La zidovudine a constitué une étape importante de la recherche sur le VIH et s’est avérée réduire la transmission mère enfant de plus de 60 %, redonnant aux femmes enceintes un espoir immense. Des améliorations ultérieures font qu’à présent, ce type de transmission dans les pays à revenus élevés n’est plus que de 1 à 2 %. Toutes fois, pour défendre les essais avec placebo, on peut avancer que les patients du groupe placebo ne sont pas nécessairement désavantagés puisque celui-ci éteint les effets secondaires indésirables.
Les essaies cliniques sont aussi réglementait par des lois comme on peut le voir avec l’article 92 premier paragraphe du Code de déontologie médicale : “ L’essai de nouveaux traitements et notamment la méthode du “ double insu ” ne peuvent délibérément priver le malade d’une thérapeutique reconnue valable … ”. En d’autres termes, le placebo est interdit s’il existe un traitement standard. Remarquons cependant que l’expression “ reconnue valable ” ne veut pas dire efficace. Mais aussi L’article 29 de la dernière version de la Déclaration d’Helsinki adoptée par l’Association Médicale Mondiale (A.M.M) mentionne que “ les avantages, les risques, les contraintes et l’efficacité d’une nouvelle méthode doivent être évalués par comparaison avec les meilleures méthodes diagnostiques, thérapeutiques ou de prévention en usage. Cela n’exclut ni le recours au placebo, ni l’absence d’intervention dans les études pour lesquelles il n’existe pas de méthode diagnostique, thérapeutique ou de prévention éprouvée ”.
Des chercheurs basés aux États-Unis se sont élevés contre cet article car pour eux c’était impossible de respecter cette règle et aussi les critères de la Food and Drug Administration qui n’autorise aucun essai clinique sans groupe placebo. Ainsi, une note de rectification fut approuvée expliquant que les essais avec placebo doivent être utilisés avec précautions mais aussi utilisé si il n’y a pas de traitement efficace, les essaie placebo sont donc éthiquement acceptable selon ce texte en respectant une méthodologie particulière
Certains textes expliquent l’utilisation de placebo est possible en fonction du degré de maladie comme la 11ème directive des directives du Conseil des Organisations Internationales des sciences. Rothman et Michels, sont contre l’usage de placebo ils pensent que personnes (ni le médecin, ni le comité d’éthique) ne peut s’approprier le droit de décider du degrés d’inconfort acceptable pour un patient même si celui-ci est consentant. En effet, les malades ne comprennent pas tous les enjeux de la recherche puisqu’ils espèrent seulement recevoir le nouveau traitement. « On ne peut les laisser sans traitement, il faut les soigner et les soulager ; enfreindre cette règle hippocratique est condamnable ». Toutes fois enlever les placebo des essais est tout simplement impossible malgré de nombreuses tentative pour remplacer les placebo cela ne c’est jamais prouver efficace.
Les pays en cour de développement sont aussi au centre de ce débat. En effet les articles 29 et 30 de la Déclaration d’Helsinki ont fait l’objet de discussions au sein de l’A.M.M. entre les représentants des pays pauvres d’Afrique et des pays riches où se trouvent les grandes firmes pharmaceutiques. Ils affirment qu’il faut tenir compte des conditions sanitaires locales. Pour eux, un placebo peut être utilisé même s’il existe une thérapie efficace, lorsque la population étudiée n’a pas normalement accès à celle-ci pour des raisons économiques. Les malades du groupe témoin ne subiraient aucun dommage particulier car sans cet essai ils n’auraient eu aucun traitement. Le CIOMS* reconnaît cependant que certains estiment “ qu’une raison économique …Les facteurs qui influencent l’effet placebo et donc la guérison du patient sont la naute de la maladie et le patient, la relation établie entre le médecin et le patient et les caractéristiques du médicament placebo ne peut pas justifier un essai contrôlé avec placebo dans un pays aux ressources limitées alors qu’il ne serait pas éthique de réaliser une étude avec le même protocole dans une population qui a généralement accès à un traitement efficace ”. Ils s’opposent donc à cette proposition jugeant qu’elle conduit à “ l’exploitation des populations pauvres défavorisées ”. D’autre part, à quelques exceptions près, les firmes pharmaceutiques ne veulent pas fournir gratuitement un nouveau médicament aux participants d’un essai clinique après sa conclusion dans un pays où les autorités sont incapables de financer un traitement. Après de nombreuses discussions, l’Assemblée Générale de l’A.M.M. a adopté en 2004, une note de clarification de l’article 30 expliquant que le projet de recherche doit préciser les modalités d’accès au traitement qui s’avérerait le plus avantageux pour l’essai et, à défaut, d’une autre thérapie appropriée. Le comité d’éthique tiendrait compte de cet élément dans l’évaluation globale du protocole.
Pour conclure, l’usage de placebo en essais clinique est sujet de nombreuses controverses. Aujourd’hui toute expérimentation humaine doit obéir aux quatre règles éthiques à savoir autonomie, bienfaisance, non malfaisance et justice. Il est toute fois impossible de mettre des règles fixes car elles doivent s’adapter à chaque cas de figure.
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