C) La relation médecin/patient
Le médecin tient vraisemblablement rôle un rôle très important. Deux paramètres difficilement mesurables entrent en ligne de compte : sa bienveillance et son degré de conviction vis-à-vis du traitement qu’il propose. A placebo égal, un médecin sympathique et convaincu est beaucoup plus efficace qu’un autre, indifférent et sceptique. En effet, comprimés, sirops, injections ou bistouri ne sont pas indispensables à l’obtention d’un effet placebo.
Ainsi un médecin de famille de Southampton, K.-B. Thomas, choisit dans sa clientèle deux cents patients qui se plaignaient de vagues douleurs abdominales, de maux de tête, de douleurs lombaires, de maux de gorge, de toux ou de fatigue et pour lesquels il lui était impossible de faire un diagnostic précis. Il sépara ces patients en deux groupes, dont le premier fut l’objet d’une consultation dite « positive » : il affirma un diagnostic et les rassura vigoureusement en leur certifiant qu’ils se rétabliraient très vite. Aux patients du second groupe, il dit : « Je ne suis pas certain de savoir ce dont vous souffrez ; si vous n’allez pas mieux dans quelques jours, revenez me voir. » Au bout de deux semaines, 64 % des patients du premier groupe gratifié de la consultation « positive » allaient mieux contre 39 % de ceux de l’autre groupe.
Une autre étude montre bien que le moteur le plus puissant de l’effet placebo est assurément le médecin lui-même. Ainsi, certains médecins ont voulu évaluer l’incidence éventuelle de la visite préopératoire de l’anesthésiste sur les suites opératoires du patient. Le groupe témoin recevait, comme de coutume, la visite de l’anesthésiste, limitée à un examen impersonnel et à un interrogatoire succinct. L’autre groupe, lui, était informé de façon très détaillée par le médecin des caractéristiques de la douleur post-opératoire, du rôle joué par certains paramètres physiologiques – telles les contractions musculaires – dans son apparition et des moyens simples de l’éviter, comme la relaxation par exemple. L’anesthésiste leur donnait également l’assurance qu’ils recevraient immédiatement un antalgique en cas de besoin. Les résultats de cette étude se passent de tout commentaire : les patients qui avaient bénéficié d’une visite informative et personnalisée consommèrent moitié moins d’antalgiques et purent quitter l’hôpital, en moyenne, deux jours plus tôt que les autres.
La procédure dite « en double aveugle » permet de contrer l’influence, parfois même inconsciente, que pourrait avoir le médecin sur ses patients s’il connaissait la nature du médicament qu’il leur donne (substance active ou placebo). On y parvient de différentes façons, en demandant par exemple à une personne autre que le médecin de déterminer qui recevra quoi, et de garder cette information cachée pour le médecin tout au long du protocole.De cette façon, non seulement le patient ne sait pas ce qu’il reçoit, mais le médecin ne sait pas non plus ce qu’il donne, ce qui l’empêche ainsi d’influencer le patient de quelque façon que ce soit. L’information sur l’attribution des placebos demeure également cachée durant toutes les procédures de mesure des effets physiologiques, et c’est seulement à la fin de l’expérience, lors de l’analyse des résultats, qu’elle est dévoilée.
L’anecdote du Dr Wolf est la preuve de cette influence. En effet, ce médecin américain de très grande renommée, clinicien sagace et thérapeute avisé, traitait, depuis de nombreuses années, un patient asthmatique chronique en proie à des crises quasi permanentes depuis ses dix-sept dernières années. Le Dr Wolf demanda à un laboratoire pharmaceutique de lui fournir un nouveau médicament, qui avait la réputation d’être particulièrement efficace dans cette affection. Il le reçut et le fit prendre à son patient qui s’en trouva fort bien ; suspectant une amélioration d’ordre psychologique, il commanda au laboratoire un placebo de ce médicament, donné à l’insu de son patient, qui rechuta aussitôt. Aussi Wolf répéta-t-il plusieurs fois l’expérience : chaque fois que son patient prenait le médicament, il s’en trouvait fort bien, et rechutait à chaque nouvelle prise de placebo. Peut-on trouver meilleure démonstration de l’efficacité d’un médicament ? Pourtant, Wolf apprit plus tard par le laboratoire que depuis le début son patient n’avait reçu…que du placebo ! En effet, des rapports beaucoup trop enthousiastes envoyés au laboratoire par les médecins avaient conduit la firme pharmaceutique à ne fournir que du placebo lorsque des praticiens lui demandaient ce nouveau remède.
Ainsi, facteur essentiel du déclenchement d’une réponse placebo chez son malade, le médecin paraît donc être l’un des plus puissants déterminants de l’effet placebo. D’une façon générale, il n’est pas stupide de penser, à la lumière de ces exemples, que la conviction du médecin dans l’efficacité du traitement qu’il prescrit conjuguée à celle du patient dans l’efficacité du traitement qu’il reçoit augmente significativement la probabilité d’une réponse placebo. Ce « pouvoir » emprunte des voies qui restent, aujourd’hui encore, largement inconnues. L’ensemble des travaux actuels disponibles sur ce sujet ne permet pas de formuler de conclusions définitives.
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